Le démon de la séparation: La relation entre politique et religion dans la communauté tibétaine en exil à travers l'affaire shugden.

"L'affaire Shugden" est le nom qui fut donné à une controverse qui éclata au milieu des années 1970 au sein de la tradition Gelugpa du bouddhisme tibétain, et qui déborda sur l'ensemble de la communauté tibétaine en exil au milieu des années 1990. L'objet de cette controverse est le culte voué à une divinité protectrice du panthéon tibétain, Shugden, dont le Dalaï-lama a interdit la pratique, la jugeant contraire au bouddhisme et néfaste à la cause tibétaine.

Ma recherche a pour premier objectif de démontrer la nature essentiellement politique de cette controverse, bien qu’elle s’exprime en termes religieux. Dans un second temps, Je chercherai à démontrer qu’il existe une corrélation entre une conception essentialiste de la nature de Bouddha, que défend une partie des traditions du bouddhisme tibétain, et un régime politique de type royauté sacrée, auquel l’institution du Dalaï-lama appartient. A cette corrélation s’oppose celle entre une conception non essentialiste de la nature de Bouddha, que défend la tradition Gelugpa du bouddhisme tibétain, et qui permet de légitimer un régime de type clérical.

La preuve d’une corrélation entre politique et religion dans la culture tibétaine me permettrait donc de comprendre la polémique autour du culte du Shugden dans une perspective historico-religieuse.

Cette corrélation contrasterait singulièrement avec l’opposition structurelle entre politique et religion, propre à la culture occidentale et véhiculée par la modernité. Ce contraste avec les catégories de la modernité, que la société et le gouvernement tibétains en exil tentent d’adopter, expliquerait que cette controverse s’exprime en termes politiques depuis les années 1990.